Page:Beaumont - Contes moraux, tome 1, Barba, 1806.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
(127)

celui de Mignone : c’était la fille d’un grand roi, et elle devait avoir plusieurs royaumes ; mais Désir n’y pensait seulement pas, tant il était occupé de sa beauté. Cette princesse, qu’il trouvait charmante, avait pourtant un petit nez retroussé, qui faisait le plus joli effet du monde sur son visage, mais qui jeta les courtisans dans le plus grand embarras. Ils avaient pris l’habitude de se moquer des petits nez, et il leur échappait quelquefois de rire de celui de la princesse : mais Désir n’entendait pas raillerie sur cet article, et il chassa de sa cour deux courtisans qui avaient osé parler mal du nez de Mignone. Les autres, devenus sages par cet exemple, se corrigèrent ; et il y en eut un qui dit au prince, qu’à la vérité, un homme ne pouvait pas être aimable, sans avoir un grand nez ; mais que la beauté des femmes était différente, et qu’un savant, qui parlait grec, lui avait dit qu’il avait lu dans un vieux manuscrit grec, que la belle Cléopâtre avait le bout du nez retroussé.