Page:Beaumont - Contes moraux, tome 1, Barba, 1806.djvu/41

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pardon, ma mère, répondit Aurore. Quand j’étais un quart d’heure toute seule, ce qui m’arrivait quelquefois, je m’ennuyais à mourir : mais quand nous allions à la campagne, c’était bien pire, je passais toute la journée à me coiffer, et à me décoiffer, pour m’amuser.

— Vous n’étiez donc pas heureuse à la campagne, dit la bergère.

— Je ne l’étais pas à la ville non plus, répondit Aurore. Si je jouais, je perdais mon argent ; si j’étais dans une assemblée, je voyais mes compagnes mieux habillées que moi, et cela me chagrinait beaucoup ; si j’allais au bal, je n’étais occupée qu’à chercher des défauts à celles qui dansaient mieux que moi ; enfin, je n’ai jamais passé un jour sans avoir du chagrin.

— Ne vous plaignez donc plus de la Providence, lui dit la bergère ; en vous conduisant dans cette solitude, elle vous a ôté plus de chagrins que de plaisirs ; mais ce n’est pas tout. Vous auriez été par la suite encore plus malheureuse ; car enfin, on n’est pas toujours