Page:Beaumont - Contes moraux, tome 1, Barba, 1806.djvu/44

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gardait les moutons. Il se nommait Ingénu, et c’était le meilleur prince du monde ; mais le roi, son frère, qui s’appelait Fourbin, ne lui ressemblait pas, car il n’avait de plaisir qu’à tromper ses voisins, et à maltraiter ses sujets. Ingénu fut charmé de la beauté d’Aurore, et lui dit qu’il se croirait fort heureux, si elle voulait l’épouser. Aurore le trouvait fort aimable ; mais elle savait qu’une fille qui était sage, n’écoute point les hommes qui leur tiennent de pareils discours.

« Monsieur, dit-elle à Ingénu, si ce que vous me dites est vrai, vous irez trouver ma mère, qui est une bergère ; elle demeure dans cette petite maison que vous voyez tout là-bas : si elle veut bien que vous soyez mon mari, je le voudrai bien aussi ; car elle est si sage et si raisonnable, que je ne lui désobéis jamais.

— Ma belle fille, reprit Ingénu, j’irai de tout mon cœur vous demander à votre mère ; mais je ne voudrais pas vous épouser malgré vous : si elle consent que vous soyez ma femme,