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d’elle, qu’il ne pouvait la quitter une minute, et qu’il rêvait d’elle toute la nuit. Belote fut fort heureuse pendant trois mois ; mais au bout de ce tems, son mari, qui l’avait vue tout à son aise, commença à s’accoutumer à sa beauté, et à penser qu’il ne fallait pas renoncer à tout pour sa femme. Il fut à la chasse, et fit d’autres parties de plaisir dont elle n’était pas, ce qui parut fort extraordinaire à Belote ; car elle s’était persuadée que son mari l’aimerait toujours de la même force ; et elle se crut la plus malheureuse personne du monde, quand elle vit que son amour diminuait. Elle lui en fit des plaintes ; il se fâcha : ils se raccommodèrent ; mais comme ces plaintes recommençaient tous les jours, le prince se fatigua de l’entendre. D’ailleurs Belote, ayant eu un fils, elle devint maigre, et sa beauté diminua considérablement ; en sorte qu’à la fin, son mari, qui n’aimait en elle que cette beauté, ne l’aima plus du tout. Le chagrin qu’elle en conçut acheva de gâter son