Page:Beaumont - Marie ou l’esclavage aux États-Unis, éd. Gosselin, 1840.djvu/154

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cependant quelques préjugés s’évanouirent à leur voix, et on vit des blancs s’allier par le mariage à des femmes de couleur.

Tant que la philantropie pour les nègres n’avait abouti qu’à d’inutiles déclamations, les Américains l’avaient tolérée sans peine : peu leur importait qu’on proclamât théoriquement l’égalité des noirs, pourvu que ceux-ci demeurassent, par le fait, inférieurs aux blancs. Mais le jour où un Américain épousa une femme de couleur, la tentative de mêler les deux races prit un caractère pratique. Ce fut une atteinte portée à la dignité des blancs ; l’orgueil américain se souleva tout entier.

Telle était, dans la ville de New-York, la disposition des esprits, à l’époque de mon hymen avec Marie.

Comme nous nous rendions à l’église catholique, j’aperçus dans la ville une agitation inaccoutumée. Ce n’était plus le mouvement régulier d’une population industrielle et commerçante : des hommes mal vêtus, de la classe ouvrière, parcouraient les rues à une heure où d’ordinaire ils remplissent les ateliers. On les voyait, au mépris de leurs habitudes calmes et froides, marcher vite, se heurter en se croisant, s’aborder d’un air mystérieux, former des groupes animés, et se séparer brusquement dans des directions contraires.

Plein d’un intérêt immense qui occupait toute ma pensée, je ne prêtai qu’une faible attention à ce trouble extérieur ; cependant, dès ce moment, je fus surpris de ne voir dans les rues ni nègres ni mulâtres.

Nelson demanda à un Américain qui passait près de nous la cause de ce tumulte. — « Oh ! dit celui-ci, les amalgamistes * font tout le mal ; ils veulent que les nègres soient les égaux des blancs ; les blancs sont bien forcés de se révolter. »

[Note de l’auteur. * Réf. ]

Interrogé de même, un autre répondit - « Si on tue les nègres, ce sera leur faute ; pourquoi ces misérables osent-ils s’élever jusqu’au rang des Américains ? »

Un troisième interlocuteur émit une opinion différente : « On va, dit-il, raser les maisons des noirs, et faire disparaître leurs hideuses figures ! Les blancs sont coupables d’agir