Page:Beaumont - Marie ou l’esclavage aux États-Unis, éd. Gosselin, 1840.djvu/177

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pas que son esprit hardi ne s’arrête que devant l’impossibilité absolue.

On nous dit que par terre nous pourrions, en trois journées, arriver sans fatigue à Saginaw, où les marchands de fourrures, qui commercent avec les Indiens, allaient quelquefois en un seul jour. Nous gagnerions d’abord Pontiac ; le second jour nous verrions la rivière des Sables, * et le troisième nous serions à Saginaw.

[Note de l’auteur. * Réf. ]

Le quinzième jour du mois de mai, par un de ces temps embaumés comme en donne la saison des fleurs, Marie et moi, accompagnés d’Ovasco, nous suivions la route de Détroit à Pontiac dans une petite voiture qui portait beaucoup d’amour et beaucoup d’espérance. Oh ! qu’il est doux, dans l’âge des désirs impétueux, de s’élancer ainsi comme à l’aventure vers un monde inconnu, quand on presse la main de celle qu’on aime, et qu’on respire appuyé sur son cœur ! !

Je ne pouvais concevoir le phénomène d’une route si belle, si large, si bien tracée au milieu d’une forêt sauvage. ** Cette forêt n’est cependant pas tout-à-fait solitaire ; on y rencontre çà et là quelques cabanes en bois, *** habitées par les pionniers américains. Peu soucieux de la nature sauvage, ces défricheurs industriels ne viennent point chercher dans le silence de ces lieux une vie tranquille et retirée ; ils arrivent au désert pour en saisir les avant-postes, servent d’aubergistes aux nouveaux arrivants, mettent en culture des terres qu’ils revendent avec profit ; ensuite ils vont au-delà, plus avant encore dans l’Ouest, où ils recommencent le même train d’existence et les mêmes industries. À Pontiac, la route cesse subitement. Alors de toutes parts s’offrit à nos yeux une épaisse forêt au travers de laquelle il était impossible de continuer notre voyage comme nous l’avions commencé. Marie était accoutumée à l’exercice du cheval ; nous pûmes donc, sans imprudence, recourir à ce moyen de transport.

[Note de l’auteur. ** Réf. [Note du copiste : *** Les Notes d’auteur en fin d’ouvrage ne comportent aucune référence au triple astérique ci-dessus. ]

J’appris à Pontiac que désormais nous aurions à suivre, au travers de la forêt, les détours d’un étroit sentier, connu d’un petit nombre d’Américains, et dont les Indiens seuls possédaient bien le secret. Un guide nous devenait nécessaire : je m’adressai, pour l’obtenir, à un marchand américain, qui était, me dit-on, en possession de rendre aux voyageurs les