Page:Beaumont - Marie ou l’esclavage aux États-Unis, éd. Gosselin, 1840.djvu/23

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le voyageur.

Oui… C’est un sujet auquel j’ai beaucoup réfléchi… J’aime les institutions de ce pays ; elles sont libérales et généreuses… chacun y trouve la protection de ses droits…

le solitaire.

Savez-vous si, dans ce pays de liberté, il n’y a point de tyrannie… et si les droits les plus sacrés n’y sont pas méconnus ?…

le voyageur.

Il y a d’ailleurs dans les mœurs des Américains une simplicité qui me plaît… Voici quel est mon projet : je me placerai sur la limite qui sépare le monde sauvage de la société civilisée ; j’aurai d’un côté le village, de l’autre la forêt ; je serai assez près du désert pour jouir en paix des charmes d’une solitude profonde, et assez voisin des cités pour prendre part aux intérêts de la vie politique…

le solitaire.

Il est des illusions qui nous coûtent quelquefois bien des larmes !

le voyageur.

Pourquoi ne serais-je pas heureux ?… Vous-même…

le solitaire.

N’invoquez point mon exemple…, et prenez garde de m’imiter… J’ai déjà passé cinq années dans ce désert, et le sentiment que je viens d’éprouver en revoyant un Français est le seul plaisir qui, durant ce temps, soit entré dans le cœur de l’infortuné Ludovic.

En prononçant ces mots, le solitaire se leva… sa physionomie attestait un trouble intérieur. Alors le voyageur, cherchant des paroles qui pussent sourire à son hôte :

— Je serais charmé, lui dit-il, de connaître tout votre établissement, les terres qui l’avoisinent et les forêts qui l’entourent.

Cette demande fut agréable à Ludovic, qui s’empressa d’y satisfaire et parut heureux de montrer au voyageur toute l’étendue de ses possessions. Celui-ci avait remarqué dès l’abord que le solitaire évitait avec soin de s’approcher de la jolie cabane dont, en arrivant, il avait admiré l’élégante construction ; sa curiosité s’en était accrue. — Cette cabane fait partie