Page:Beaumont - Marie ou l’esclavage aux États-Unis, éd. Gosselin, 1840.djvu/246

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Jetons un coup-d’œil sur les lois américaines, et nous allons voir le législateur conduit de nécessités en nécessités à la violation successive de tous les principes. La première règle en matière criminelle, c’est que nul ne peut être jugé que par ses pairs. On sent l’impossibilité d’appliquer aux esclaves cette maxime d’équité ; car ce serait remettre entre les mains des esclaves le sort des maîtres : aussi, dans tous les cas, les hommes libres composent-ils le juri chargé de juger les esclaves ;[1] et ici le nègre accusé n’a pas seulement à redouter la partialité de l’homme libre contre l’esclave ; il a encore à craindre l’antipathie du blanc contre l’homme noir.

C’est un axiome de jurisprudence, que tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable. Je trouve dans les lois de la Louisiane et de la Caroline des principes contraires :

« Si un esclave noir, dit la loi de la Louisiane, tire avec une arme à feu sur quelque personne, ou la frappe, ou la blesse avec une arme meurtrière, avec l’intention de la tuer, ledit esclave, sur due conviction d’aucun desdits faits, sera puni de mort, pourvu que la présomption, quant à cette intention, soit toujours contre l’esclave accusé, à moins qu’il ne prouve le contraire. »[2]

C’est encore un principe salutaire et consacré par toutes les législations sages, qu’en matière criminelle les peines doivent être fixées par la loi. Cependant les lois américaines abandonnent en général à la discrétion du juge le châtiment de l’esclave ; tantôt elles disent que, dans un cas déterminé, le juge fera distribuer le nombre de coups de fouet qu’il jugera convenable, sans fixer ni minimum ni maximum ;[3]

une autre fois, elles laissent au juge, chargé de punir, le soin de choisir parmi les peines celle qui lui plaît, depuis le fouet

  1. V. lois du Tennessee, t. I, vº Slaves, P. 346. — Brevard’s Digest, vº Slaves.- Louisiane Code noir.
  2. Digeste de la Louisiane, acte du 19 mars 1806, sect. 3, t. I, p. 246. — Dans toute contestation entre un maître qui prétend droit sur un nègre et celui-ci qui se prétend libre, la présomption est contre le nègre, sauf à lui à prouver qu’il n’est pas esclave. — V. Caroline du Sud. Brevard’s Digest, vº Slaves, § 7, p. 230, t. II.
  3. V. Statute laws of Tennessee, vº Slaves, t. I. p. 385.