Page:Beaumont - Marie ou l’esclavage aux États-Unis, éd. Gosselin, 1840.djvu/30

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prudence ; car il n’est pas sans exemple que le fiancé viole sa foi ; quelquefois elle prévoit cette chance funeste, et tâche de gagner des cœurs, non pour en posséder plusieurs à la fois, mais pour remplacer celui qu’elle court le risque de perdre.

Dans cette circonstance comme dans toutes les autres, elle provoque, encourage, ou repousse les soupirants avec une entière liberté.

En Amérique, cette liberté, sitôt donnée à la femme, lui est tout à coup ravie. Chez nous, la jeune fille passe des langes de l’enfance dans les liens du mariage ; mais ces nouvelles chaînes lui sont légères. En prenant un mari, elle gagne le droit de se donner au monde ; elle devient libre en s’engageant. Alors commencent pour elle les fêtes, les plaisirs, les succès. En Amérique, au contraire, la vie brillante est à la jeune fille ; en se mariant, elle meurt aux joies mondaines pour vivre dans les devoirs austères du foyer domestique. On lui adressait des hommages, non parce qu’elle était femme, mais parce qu’elle pouvait devenir épouse. Sa coquetterie, après avoir trouvé un mari, n’a plus rien à faire, et, depuis qu’elle a donné sa main, on n’a plus rien à lui demander.

Aux États-Unis, la femme cesse d’être libre le jour où, en France, elle le devient.

Ces privilèges de la jeune fille et ce néant précoce de la femme mariée accroissent beaucoup le nombre des personnes qui s’engagent avant de se marier. En général, le contrat purement moral, qui naît de ces sortes de fiançailles, se ratifie peu de temps après par le mariage ; mais il n’est pas rare de voir les jeunes filles s’efforcer d’en ajourner l’accomplissement. En agissant ainsi, elles atteignent un double but : engagées, elles sont sûres de se marier, et ne sont pas encore épouses ; elles gagnent la certitude d’un avenir de femme, en conservant leur liberté de fille.

Rien, dans les femmes américaines, ne parle à l’imagination…cependant il est un côté de leur caractère qui produit sur tout esprit grave une profonde impression.

On sait la moralité d’une population, quand on connaît celle des femmes, et l’on ne contemple point la société des États-Unis sans admirer quel respect y entoure le lien du mariage. Le même sentiment n’exista jamais à un aussi haut