Page:Beaumont - Marie ou l’esclavage aux États-Unis, éd. Gosselin, 1840.djvu/363

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Ce principe, emprunté aux lois anglaises, est la source de grands abus. Il en résulte que tout homme qui a de l’argent, ou qui en trouve à emprunter, peut toujours se tirer d’affaire. Il donne une caution, disparaît et échappe à la justice. Dès qu’il est absent, la procédure en reste là ; on ne fait point, en Amérique, de procès par contumace. La facilité des cautions est d’ailleurs poussée à un excès incroyable ; le juge n’est tenu, d’après la loi, à aucune forme, et il peut se dispenser d’exiger aucune justification de la part des cautions qui sont offertes. Un individu est arrêté : il présente un acte signé de telle ou telle personne qui s’oblige à payer 2 ou 3 ou 4,000 dollars, en cas que le prévenu ne s’évade. Ici se présentent plusieurs questions. Celui qui se porte caution possède-t-il réellement des propriétés valant 3 ou 4,000 dollars ? qu’est-ce qui le prouve ? lui fera-t-on représenter ses titres de propriété ? — Mais il faudrait encore qu’il prouvât que ses biens ne sont pas grevés d’hypothèques. Toutes ces questions devraient être pesées mûrement par le magistrat auquel la caution est présentée. Cependant il est certain que, dans la presque totalité des cas, il ne les examine seulement pas, et, pour s’en épargner la peine, il reçoit la caution. La loi ne l’assujettissant à aucune formalité, il est assailli de sollicitations, auxquelles il finit toujours par céder ; on sait que sa volonté est sa seule règle ; toutes les fois donc qu’on lui présente un simulacre de caution, il la trouve bonne. Il suit de là qu’il n’y a qu’un bien petit nombre d’individus qui ne soient pas capables de fournir caution. Une personne très-digne de foi m’a assuré qu’à Philadelphie la facilité des cautions est l’objet d’un singulier trafic, et si cette personne m’a bien informé, il y a des voleurs qui ont toujours en réserve une certaine somme d’argent, et qui, quand on les arrête, s’adressent à des entrepreneurs de cautions. Ceux-ci, pour lesquels la caution judiciaire en matière criminelle est devenue l’objet d’une industrie, reçoivent du voleur emprisonné 100 ou 200 dollars, et lui donnent en retour une caution de 3 ou 4,000 dollars ; en faisant cela, ils se compromettent peu, parce qu’ils ne possèdent rien. J’ai vu dans les prisons de Philadelphie une femme qui, me dit-on, avait fourni dans sa vie à des prévenus plus de 100,000 dollars de caution (530,000 fr.). Cette femme n’avait cependant jamais joui d’aucune fortune ; elle était de mauvaises mœurs, et avait fini par se faire condamner pour vol. On me citait aussi à Philadelphie l’exemple d’un jeune homme qui s’était rendu coupable