Page:Beaumont - Marie ou l’esclavage aux États-Unis, éd. Gosselin, 1840.djvu/69

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comment le supporter ? Quelles forces morales faut-il appeler à son secours ? doit-on se raidir ou plier ? l’âme s’armera-t-elle du courage qui se résigne, ou de l’énergie qui combat ?

Les conjectures et les terreurs se succédèrent dans mon esprit avec une incroyable rapidité… Je supposai tous les malheurs possibles, excepté le véritable. Les heures s’écoulaient lentement, comme toutes celles qui sont comptées.

Le lendemain, je ne sais quelle puissance irrésistible me ramena vers la forêt solitaire. Peut-être la fille de Nelson y reviendrait pour me donner la révélation promise.

Ah ! comme, en parcourant ces lieux tout pleins d’une émotion récente, je me sentis l’âme troublée ! Toutes mes impressions, amères ou douces, se réveillaient plus fortes à l’aspect du lieu qui les avait vues naître ; chaque objet inanimé s’impreignait à mes yeux d’un sentiment qui lui était propre. Ici, le vieux chêne et son ombre : c’était la longue rêverie, la méditation, l’élan de la pensée vers le ciel ! Là, l’églantier dont j’avais effeuillé les roses : c’était Marie, sa beauté, sa chevelure embaumée, le parfum de sa voix. Ces lianes impénétrables, c’était le mystère ; ce cèdre renversé, le désespoir. Hélas ! le site le plus heureux contenait une douleur, et chaque douleur une larme.

Je voulus voir tous les lieux parcourus la veille ; je repris les moindres détours que j’avais suivis. Arrivé à la place où j’avais vu Marie priant à genoux, je me prosternai la face contre terre, et je couvris de mes baisers la mousse qu’avaient humectée ses pleurs.

Un sentiment involontaire me retenait dans cette solitude ; Marie ne paraissait point, et, à chaque instant, je croyais la voir ou l’entendre. Comme au moindre murmure du vent dans la cime des pins mon cœur battait avec violence ! Tout me troublait : la chute d’une feuille, le vol d’un oiseau, le mouvement d’un insecte dans l’herbe.

Cependant je ne rencontrai dans la forêt que des souvenirs et des agitations nouvelles… Marie n’y vint pas.

De retour chez mon hôte, j’y trouvai une physionomie générale de tristesse et de deuil. Nelson se promenait gravement dans sa chambre, levant les yeux au ciel et laissant tomber de temps en temps une parole sentencieuse ; les gens de