Page:Beaumont - Marie ou l’esclavage aux États-Unis, éd. Gosselin, 1840.djvu/82

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ludovic.

Dans l’état présent de vos mœurs et de vos lois, vous ne connaissez point de noblesse héréditaire ?

nelson.

Non sans doute. La raison repousse toute distinction qui serait accordée à la naissance, et non au mérite personnel.

ludovic.

Si vos mœurs n’admettent point la transmission des honneurs par le sang, pourquoi donc consacrent-elles l’hérédité de l’infamie ? On ne naît point noble, mais on naît infâme ! Ce sont, il faut l’avouer, d’odieux préjugés !

Mais enfin, un blanc pourrait, si telle était sa volonté, se marier à une femme de couleur libre ?

nelson.

Non, mon ami, vous vous trompez.

ludovic.

Quelle puissance l’en empêcherait ?

nelson.

La loi… Elle contient une défense expresse et déclare nul un pareil mariage.

ludovic.

.

Ah ! quelle odieuse loi ! Cette loi, je la braverai.

nelson.

Il est un obstacle plus grave que la loi même : ce sont les mœurs. Vous ignorez quelle est, dans la société américaine, la condition des femmes de couleur.

Apprenez (je rougis de le dire, parce que c’est une grande honte pour mon pays) que, dans toute la Louisiane, la plus haute condition des femmes de couleur libres, c’est d’être prostituées aux blancs.

La Nouvelle-Orléans est, en grande partie, peuplée d’Américains venus du Nord pour s’enrichir, et qui s’en vont dès que leur fortune est faite. Il est rare que ces habitants de passage se marient ; voici l’obstacle qui les en empêche :

Chaque année, pendant l’été, la Nouvelle-Orléans est ravagée par la fièvre jaune. À cette époque, tous ceux auxquels un déplacement est possible, quittent la ville, remontent le