Page:Beaunier - La Poésie nouvelle, 1902.djvu/181

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tifs ; moines féodaux avec leur cloître pour manoir, qui siègent au chapitre en justiciers et qui semblent, dans les plis droits des bures, des chevaliers dans leurs armures rigides… Les voilà tous, âpres gardiens de traditions mortes, tout frémissants dans leur rêve claustral, passionnés d’excessive humilité, superbes d’orgueil tourmenté. Les voilà dans la monotonie rigoureuse de leur existence, en procession dès l’aube vers les offices, enclos dans leurs cellules, partagés entre leurs besognes quotidiennes et leurs contemplations, émerveillés des soirs féeriques ou passent des anges, en guirlande, aux horizons silencieux, et puis agonisants, la cendre sainte sur le front, illuminés de cierges, et puis, mains jointes, enveloppés de la bure dernière, jetés au trou des fosses de la nuit mortuaire…

Une égale intensité de vie a suscité en ces têtes fiévreuses la mysticisme et, au creux des labours, la fougue virile dans les cœurs chauds des gars. Et c’est donc toute la luxuriante vitalité des Flandres que célèbre cette poésie. Ascètes et goulus chercheurs de ripailles sont enflammés de la même ferveur qui, chez les uns, tourne en sensualité, chez les autres en piété jalouse. Ces derniers goûtent peut-être la plus enivrante volupté, dans le silence de leur contemplation tourmentée, et c’est à eux que le poète demande l’exemple d’un rêve capable d’exalter tout un être. Il restera seul ici-bas avec son art ; il se vêtira de son art comme d’un rude cilice et il le serrera si fort contre lui qu’il s’en marquera le cœur, au travers de la chair !…