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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Bonté divine ! lui demanda-t-il, qu’y a-t-il donc ?

— Il y a, maître Gérard, que sans mon bras, vous courez grand risque. Ceci n’est pas une pêche ordinaire. Mais dites, vous avez donc senti vous-même une commotion ?…

— Une commotion telle, reprit le passeux, qu’il m’a semblé qu’un bois de flottage heurtait ma cabane… Monsieur Charles, qu’est-ce donc ?

— Rien, mon brave Gérard, si ce n’est que j’ai vu tout à l’heure un homme jeter du pont Marie deux sacs pesants dans la Seine…

- Attention, alors, détachez ma barque, et voyons !

Charles obéit, et il sentit bientôt, au poids du filet, qu’ils étaient sûrs tous deux d’une découverte. Maître Gérard faisait de vains efforts pour amener le double fardeau jusqu’à lui…

— Mes forces me trahissent ! cria-t-il à Charles.

Charles aida le passeux et retira les filets demi-rompus. Les deux sacs apparurent à l’œil hébété de maître Gérard. Le jeune homme et lui les transportèrent à la cabane.

— Un instant, dit Gérard, voilà une aubaine à laquelle j’ai droit, partageons.

Charles haussa les épaules. Il était si faible, qu’il étancha d’abord la sueur qui ruisselait de son front, puis saisissant un couteau sur la table du passeux :

— Regarde donc et choisis, lui cria-t-il.

Les deux sacs ouverts, Charles réprima un tressaillement singulier en voyant que l’un contenait un coffre, l’autre une femme dont la tête était couverte d’un voile…

Le choix du jeune homme fut bientôt fait.

— À toi ce coffre et ce qu’il contient, cria-t-il au passeux, à moi cette femme !

Il venait de soulever la gaze qui cachait les traits de l’Italienne… Une vision céleste l’eût alors moins ébloui… Une alarme soudaine lui succéda, le sang du jeune homme se retira dans sa poitrine ; il eut peur un instant de ne trouver qu’une morte. Aucun mouvement ne trahissait le sommeil