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LES MYSTÈRES DE L'ÎLE SAINT-LOUIS

et voilà pourquoi je me promenais à cette heure indue devant le palais des ducs de Florence. Tout ce que je puis t’offrir chez moi, c’est une malle pour t’asseoir et une bouteille de marasquin. Mais tu gâterais tes beaux habits, ajouta le comédien, te voilà nippé comme un héros.

– Mon cher Bellerose, répondit Charles, permets à ces porteurs de me suivre jusque chez toi. Je n’ai pas de temps à perdre, ce matin même je me bats, et tu viens à point, car tu seras mon second.

– Ton second, ! et contre qui ? Je n’ai parbleu pas envie de mourir sur le territoire toscan, moi qui n’ai l’habitude de me laisser transpercer en scène que pour ressusciter plus gaillard qu’auparavant. Un duel ! fi donc ! sommes-nous ici au Pré-aux-Clercs ou à la porte Saint-Bernard, ? Charles, mon ami, je te trouve l’air d’un matamore ; serais-tu devenu par hasard Italien ?

– Quand tu sauras le sujet de ma dispute, tu m’approuveras, répondit Charles ; mais allons chez Belphégor.

– Chez Belphégor, soit, reprit Bellerose. Cet hôte vertueux me rappelle le brave capitaine la Ripaille. À propos, reprit Bellerose en ôtant son feutre d’un air tragique, il est bien près de la Parque, ce digne, capitaine. Que veux-tu, il a croisé le fer pour défendre un vers de Mirame. Cela valait bien une pension, il n’en fut rien ; le cardinal Richelieu n’est qu’un ingrat.

En devisant ainsi, ils étaient arrivés tous deux devant le porche du maître d’armes Belphégor. Le marquis de Rovedere s’y trouvait déjà, et à la lueur d’une lampe fumeuse, il s’essayait tant bien que mal au plus farouche des assauts. Belphégor s’inclina en voyant Charles dans la compagnie de Bellerose, qu’il prenait pour un seigneur, grâce à son panache et à sa mine.

– Attention, dit le comédien à son ami, on m’appelle ici le baron de Lunéville.

– Et moi, le comte San-Pietro ; tiens ta langue.

Marquis de Rovedere ajouta Charles, je viens me