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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

chets qu’à Paris même… et cela, sans parler en rien de ma mort, car je ne signe pas cet acte de mon nom.

– Je te le jure, dit solennellement Bellerose.

– Maintenant, continua Charles en remettant à son ami le papier qu’il cacheta, Bellerose, tu vois cet or ? Cet or, prix du jeu, cet or me pèse ; je veux qu’il serve au moins à consacrer par un souvenir éternel l’événement le plus important de ma vie. Tu as mes instructions, tu les liras. Si je dois survivre, si je fuis, mes intentions restent les mêmes. Après l’issue de ce combat, tu devras partir avec cet or ; une fois à Paris, tu en connaîtras l’emploi. J’ai ta parole et j’y compte. J’ignore ce qui adviendra de ma rencontre avec le comte Leo Salviati, mais j’aime ici une personne qui en attend l’issue avec angoisse ; si je meurs, tu lui feras part de ce que l’écrit contient.

En découvrant ainsi sa plus secrète blessure à Bellerose, Charles était ému, il pleura. Tromper la confiance de la duchesse, trahir sa parole et courir à ce rendez-vous fatal, lui paraissait presque un crime. Bellerose n’osait le mettre plus avant sur la pente des confidences, car l’heure pressait. La voix du marquis de Rovedere se fit jour bientôt à travers la mince cloison qui séparait la mansarde du comédien de la salle d’armes. Le jour était venu, l’aube blanchissait le beffroi de la grande place.

La voiture du marquis de Rovedere était prête ; elle entraîna bientôt Charles et Bellerose jusqu’à la porte de San-Gallo, le lieu du rendez-vous.


XIX

POMPEO.


Huit mois après ces divers événements, le cabaret de la Pomme de pin venait de voir ouvrir ses fenêtres comme de coutume ; l’antique enseigne se balançait au vent, et maître