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Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome1.djvu/186

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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

rose dans une cour spacieuse, flanquée de bornes scellées dans le mur, et décrivant plusieurs arcades parallèles. L’escalier s’ouvrant à main droite était large et digne d’un président à mortier ; son dessin était noble et rappelait la sage ordonnance de tout ce qui fut fait sous François Miron, le prévôt des marchands et le continuateur zélé de l’Hôtel de ville, dont la façade était demeurée imparfaite pendant soixante-douze ans. Les appartements, encore à nu, que l’italien parcourut ensuite, étaient vastes, aérés ; leurs vues s’ouvraient sur la Seine. Les plafonds, disposés en dôme, attendaient un peintre ; les élèves de messer Nicolo le florentin, que François Ier fit venir exprès d’Italie, y eussent à peine suffi. Plusieurs pièces de parade devaient se voir en effet soumises à l’art du décorateur ; les meubles de velours brodés d’or, d’argent et de perles, allaient encombrer un jour cette riche demeure ; il ne fallait plus qu’un ordre de Pompeo pour que le cèdre et l’ébène, les parquets en marqueterie, les trophées d’armes, les miroirs de Venise et les tapisseries, couvrissent cet espace de pierre.

Étranger au soleil parisien par sa façade, exposé au nord par le seul choix du terrain, l’hôtel de l’île, comme ceux du quai Bourbon et du quai Voltaire, gardait une humidité de tombe… La Seine aux ondes miroitantes baignait son pied, et dans ses fougueux débordements elle pouvait un jour inonder ses caves profondes.

Une porte d’eau, pareille à celle de Venise, s’ouvrait sur le fleuve ; la barque pavoisée du maître de l’hôtel pouvait de là descendre mollement jusqu’au Louvre.

Devant ces larges aspects, Pompeo demanda à son compagnon quel avait été l’architecte de cette belle demeure.

— Paris, lui répondit sentencieusement Bellerose, ne vous doit pas tout, à vous autres Italiens. Sans parler de


    Pimodan qui a occupé l’hôtel a sa date précise dans l’introduction de ce récit.