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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

l’un des trois par lesquels on entre dans l’île, réalisait un magnifique travail.

Sur ses cinq belles arches de pierre, complétées par quatre piles et deux culées, s’élevait une double ligne de maisons uniformes et profondes de quatre toises. Le pont lui-même en avait cinquante de longueur. L’île Notre-Dame, développant son immense carré couvert de toits encore rares et bordé de quais, alors en voie de construction, ne pouvait lui opposer que le pont Rouge, encore celui-ci était-il de bois[1], comme le pont de la Tournelle. Ce dernier même venait de se voir emporter par les glaces et le débordement de la Seine, en 1637, l’année d’avant[2]. Le regard du passant plongeait à travers les fenêtres neuves des maisons, d’un côté, sur cet horizon de fabriques et d’édifices qui s’arrête à peine au Louvre ; de l’autre, sur l’étendue alors inculte de terrains coupés par la Seine, qui donne au paysage les seules limites de Charenton. Le marteau des travailleurs retentissait déjà à la pointe de l’île aux Vaches ; tout ce que la cour comptait de seigneurs ou de gens riches marchandait, soit par spéculation, soit par luxe, ce sol vierge encore, sur lequel l’édilité mettait la main, et qu’elle vendait au plus offrant. Les événements de la guerre étaient de nature à satisfaire les esprits ; l’œuvre lente et progressive de Richelieu, l’abaissement de la maison d’Autriche allait se voir dû aux succès de nos propres armes. Louis XIII avait alors six armées sur pied, dans les Pays-Bas, dans le Luxembourg et la Champagne, en Languedoc, en Italie et

  1. Alors le pont de Bois.
  2. Le temps de la reconstruction de ce pont en pierres de taille date de 1656. Alexandre de Sève, prévôt des marchands, y fit placer le distique suivant :
    Ædiles recreant submersum flumine pontem.
    Non est officii, Sed pietatis opus.