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Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome1.djvu/237

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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Eh bien, moi, reprit Pompeo en se levant, je le saurai. J’approfondirai ce mystère, je verrai Charles ; aussi bien, nous avons tous deux un compte à régler. Un seul mot de moi changera la face des choses. Que voulez-vous que j’exige de lui, Mariette ? je l’exigerai, il le fera.

— Vous auriez ce pouvoir ? vous obtiendriez de Charles ce que mes larmes et mes supplications si tendres n’ont pu obtenir ? Mais il y a donc entre vous quelque lien secret et puissant ? Eh bien ! s’il est encore libre, celui que je crois enchaîné à tout jamais, si l’amour le plus pur, le plus dévoué, peut le déterminer à quitter ce fol amour, Pompeo, dit Mariette en joignant les mains, ramenez-le. Montrez-lui du doigt l’abîme qu’il s’est creusé, dessillez ses yeux, faites-en tomber le bandeau ! Si vous ne faites pas cela pour Charles, faites du moins cela pour la pauvre Mariette. Qu’à votre voix, Pompeo, il rentre sous cet abri où son père n’aura pour lui que de doux reproches, où il ne pourra manquer de l’accueillir dans sa facile bonté ! Ne lui parlez pas d’ingratitude ou d’oubli, parlez-lui de son bonheur, soutenez-le de votre expérience et de vos conseils. S’il pleure en vous écoutant, montrez-lui mon silence et ma tendresse comme son refuge, réveillez en lui tous les sentiments endormis du cœur. Retirée dans votre chambre, je vous attendrai, vous me conduirez de là jusque chez maître Philippe. Pompeo, je vous confie en ce jour ce que j’ai de plus cher, le soin d’une douce félicité. J’ai livré à Charles comme à vous la clef de mon âme ; mais telle est ma défiance en l’avenir, que sans vous je désespérerais de lui !

— Et il n’en sera rien, chère enfant, reprit Pompeo ; oh ! rassurez-vous, je verrai Charles, il faudra bien qu’il m’écoute.

— Vous me le promettez ?

— Oui, je saurai de lui si un mariage prochain menace sa liberté ; mais ce mariage, je vous le répète, ne peut être encore consommé. Je suis sûr à l’avance de vous rapporter de bonnes nouvelles. Puisque vous aimez ce jeune homme,