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Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome1.djvu/243

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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

— Vous raillez, interrompit Charles avec hauteur, le moment est mal pris pour me parler de sots contes.

— Du tout, monseigneur, car je vous proteste que c’est un mariage très-convenable… Oui… une jeune fille de bonne maison, vous pouvez m’en croire, et son blason est moins frais que le vôtre, il est vrai…

— Est-ce une gageure, monsieur ? reprit Charles en se levant, en ce cas je vous préviens…

— Que vous ne la supporteriez pas ? Fort bien, cela est d’un brave. J’aime à vous voir dans ces dispositions valeureuses, malgré les édits… Aujourd’hui il y a une foule de gens qui n’osent dégainer dans la crainte du cardinal… Je vous tiens pour homme d’honneur, sans cela je ne fusse pas venu vous offrir un parti que beaucoup de seigneurs vous envieraient…

— Enfin, monsieur…

— Enfin, monseigneur, cette jeune fille vous aime… Amour malheureux, insensé que celui-là, reprît Pompeo sur un ton plus sérieux, puisqu’il n’est point partagé, et cependant, monseigneur, vous l’avez aimée aussi avant de partir de cette ville, vous habitiez alors le même toit qu’elle ; hier encore vous la vîtes à la cabane du passeux…

— Mariette ! murmura Charles.

— Oui, monseigneur, Mariette ! Il paraît que dans une circonstance récente où vous ne courriez pas seul un grand péril, cette enfant vous a sauvé ; pour prix de ce sacrifice dont vous êtes loin de contester l’étendue, elle attendait de vous autre chose qu’un froid oubli. Mais vous venez d’entrer dans la voie de l’ambition, vous revenez ici en espérant effacer jusqu’aux moindres traces de votre origine. C’est là votre calcul, n’est-ce pas, et à l’aide de cette grande dame…

— Arrêtez, monsieur ; je ne reconnais à personne le droit de me demander compte du présent ni du passé. Si c’est Mariette qui vous députe vers moi, en ce cas, voici ma réponse : Je ne puis être à elle, car je ne m’appartiens pas. Mon esclavage volontaire est mon secret ; nul ne saurait en