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LES MYSTÈRES DE L’ÎLE SAINT-LOUIS

la voix de sa haine, il se contenta de ramener vivement la gaze sur le portrait, comme s’il eût été jaloux des regards donnés par un autre que lui à cette peinture.

Pompeo reprit :

— J’ai donc été, monseigneur, l’architecte de ce palais, oui, je l’ai peuplé des souvenirs de ma jeunesse. Cette femme que vous voyez peinte ici en Diane, c’est celle que j’ai aimée ; cette autre en Daphné, c’est elle encore… Mais je m’égare, je le sens, pardonnez-moi ; ce n’est pas de moi, c’est de Mariette qu’il s’agit. Encore une fois, accédez-vous à sa prière ? répondez, voulez-vous accorder votre repentir à ses larmes ? Je vous en conjure par ce portrait, ne faites pas son malheur. Mariette vous aime, songez-y, et la pauvre enfant m’attend.

— Je vous ai dit, monsieur, ce que je devais vous dire ; c’en est assez, ce me semble, reprit Charles pressé d’en finir. Laissez-moi.

— Ainsi, monseigneur, tous les souvenirs sont impuissants près de vous, même les miens !… Je croyais pourtant…

— Et que pourriez-vous contre moi, interrompit Charles, que feriez-vous ?

— Rien, oh ! rien, monseigneur, dit Pompeo en élevant alors la voix, si ce n’est de dire à tous qu’il y a un an près d’ici… au pont Marie…

— Silence ! malheureux ! on peut nous entendre ; silence ! Une dernière fois que voulez-vous ?

— Que vous promettiez à Mariette de ne plus la désoler ; que vous abandonniez, cette nuit même, cet hôtel ; en un mot, que vous reveniez près de votre père… Sans cela, je dirai tout.

— Quoi ! vous oseriez ?…

— Je dirai que vous avez participé au crime commis il y a un an, que vous m’y avez aidé, en un mot, que vous avez été mon complice…

— Mais c’est une infamie, un lâche mensonge, interrom-