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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

Le médecin, après l’avoir parcouru quelques secondes, réprima un léger trouble de satisfaction, et se composant un sourire hypocrite :

— Je puis maintenant, répondit-il, remercier Son Eminence.

— Pourquoi ? demanda le ministre.

— Son Eminence ignore de qui lui vient cet avis ?

— Entièrement.

— Dès lors, Son Eminence me force à rompre avec tout projet de modestie ; cet avis lui vient de moi.

— De vous ? reprit Richelieu.

Le cardinal demeurait surpris ; il examina le docteur d’un air incrédule et en pinçant sa royale grise à son menton :

— Ce n’est pas là votre écriture, monsieur, objecta le ministre au docteur.

— C’est celle de mon secrétaire Didier.

— Et tous ces détails sont vrais ?

— Parfaitement vrais, je le jure.

— Ainsi, la duchesse de Fornaro est à Paris ?

— À Paris, depuis six semaines.

— Et sous le nom de la comtesse Alvinzi ?

— Oui, monseigneur. Elle habite un hôtel obscur dans la rue des Lions-Saint-Paul. Quel intérêt a pu ramener à Paris une femme qui doit y alarmer votre politique et qui connaissait Léonora Galigaï ? de quels conciliabules secrets sa maison est-elle le théâtre ? C’est ce qu’il faudrait approfondir. Mais cette lettre vous instruit assez du danger réel qu’il y aurait à donner asile dans Paris à la femme du duc de Fornaro. Dans la guerre récente de la Valteline, et pendant que le duc tenait pour les impériaux, avez-vous oublié les menées coupables de la duchesse ? Cœutz et Savelli sont ses amis, elle entre dans les intérêts de l’Espagne, elle a partout des émissaires, des agents. Le marquis de Leganez lui écrit, elle pleure encore la défaite de Jean de Vert. Un faible ennemi qu’une femme, direz-vous, une Italienne venant abriter ici ses intrigues sous la protection de la