Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome2.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
119
LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Diable ! monsieur le comte, nous étions deux, dit-il en se laissant glisser du mur, à Lauzun qui l’attendait ; c’est avec Satan que nous avons joue la partie.


XVII

LE RETOUR.


À peine remontée dans l’appartement, Paquette ouvrit les deux lettres d’une main tremblante. Elle n’eut pas même la force de regagner sa chambre, et s’arrêta dans le salon de Leclerc en tombant sut un sofa.

l’écriture de la première lettre, qui était signée de ce simple nom : Un Ami, la fit d’abord tressaillir ; c’était celle qu’elle avait trouvée dans son herbier ; la même main avait tracé les maximes et le billet. L’inquiétude extrême où ces lignes plongèrent Paquette ne saurait être définie ; pour la soupçonner il n’eût fallu qu’entr’ouvrir cette lettre, conforme pour le début même aux paroles que l’inconnu avait, du haut du mur, jetées à la jeune fille :

« Un danger réel vous menace ; grâce à Dieu, j’arrive à temps. Gardez-vous d’ajouter la moindre foi aux paroles d’un homme pour qui la passion la plus sérieuse est un jeu. Le seul intérêt de votre repos exige que vous le connaissiez bien ; par malheur, il saura revêtir vis-vis de vous tous les masques. Tour à tour ardent et fier, obséquieux et tendre, il sèmera vite autour de vous les illusions et les embûches. L’idée de vous laisser seule, sans guide sans conseil, a toujours, vous le savez, déchiré l’âme de l’homme qui vous chérissait le plus, l’âme de votre père au seul nom duquel votre cœur battra toujours. La folle présomption de M. de Lauzun vous perdrait sans nulle ressource vous ne pouvez pas, vous ne devez pas subir cette épreuve, elle est au-dessus de vos forces ; fermez donc votre oreille à ses perfides insinuations ; s’il ose vous écrire ou vous parler, bannissez-le vite de votre souvenir, surtout