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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

séder, de se faire aimer par moi qui ne puis même le souffrir ; il vient me relancer, troubler en un jour la tranquillité et le secret de ma maison ; en un mot, Paquette, je le déteste, je le crains, et je donnerais tout pour l’éloigner.

— Mais quel est-il donc, encore une fois ? reprit Paquette, est-il vieux ou jeune, et quels droits a-t-il sur vous ?

— Mon Dieu ! dit Leclerc avec humeur, en voilà assez sur son compte, vous le verrez. Ne m’écrit-il pas qu’il arrive demain, qu’il sera là près de moi. Près de moi, Paquette mais il ignore donc ce que sa présence aura d’affreux et de déchirant pour un cœur blessé, il ignore… Enfin, mademoiselle, qu’il vous suffise de savoir que je sais redevenu, à dater de demain, le plus malheureux des hommes. Oui, continua Leclerc, en s’exaltant, si je pouvais fuir ce soir même un pareil malheur, je fuirais ; si je pouvais échapper à ces caresses qui m’effraient, je braverais tout jusqu’au danger… En un mot, Paquette, ce jeune homme…

— Ah c’est un jeune homme…

— Eh oui, morbleu, c’est mon fils !


TROISIÈME PARTIE


I

UN PÈRE.


Les paroles de Leclerc avaient semblé une énigme à la jeune fille. Elle le savait bourru, grondeur, emporté ; mais elle répugnait à le croire dur et insensible. Quel crime odieux avait donc commis ce fils, pour que sur la seule nouvelle de son retour, son père regrettât de ne pas voir y élever une barrière entre lui et ses caresses ? Comment