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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

Roquelaure avait ses raisons ; il avait combiné cette pièce avec la duchesse de la Ferté, une des ennemies mortelles de Lauzun, dans le cabinet de madame de Montespan elle-même. La lettre que Lauzun arracha des mains de Riom se trouvait ainsi conçue :


« Madame la marquise,

» À peine rentré dans Paris, je serais un misérable si je ne me jetais tout d’abord aux pieds de Sa Majesté pour la remercier de sa clémence. Vous seule pouvez disposer Sa Majesté à cette entrevue. J’aime sa cousine autant que je la révère, ma captivité a fait de moi un autre homme. Je vous reconnais non seulement pour une personne du cœur le plus élevé, mais aussi comme la seule et vraie conseillère du roi. Sa Majesté a bien fait d’assurer un sort à vos enfants ; en compensation de Dombes et d’Eu que je perds, Mademoiselle m’assure son duché de Châtellerault et de Thiers en Auvergne ; vous voyez que je me trouve peu à plaindre. Pour rentrer dans les bonnes grâces de Sa Majesté, je me soumettrai à tout.

» Signé : Henri, comte de Lauzun. »


L’indignation de Lauzun faillit éclater à la seule lecture de ce billet, il regarda Riom en échangeant avec lui un signe d’intelligence. Riom s’approcha de son oncle pendant que le groupe des invités causait vivement.

— Je ne sais ce qui me retient, dit Lauzun à son neveu, mais je voudrais jeter Roquelaure par la fenêtre !

— Monsieur le comte est servi, s’écria la voix pleine et sonore du maître d’hôtel.

— Messieurs, dit Lauzun, reprenant tout d’un coup son sourire le plus charmant, nous n’avons pas de dames, passons donc ici sans façon à mon couvert. Au diable l’étiquette, je veux avant tout vous faire juger de mon vin, c’est Crenet qui me le vend. Monsieur de Lavardin, je crois que ma cave ne le cède en rien à celle du maréchal d’Hu-