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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

sacrer ma vie ! Oui, si vous le voulez, si vous daignez dire un mot.

— Assez, Henri, assez, reprit mademoiselle Fouquet avec un accent pénétré ; votre franchise provoque la mienne ; je vous remercie, je vous aime, d’honorer mon père mais mon parti est irrévocable. Henri, je ne me marierai jamais !

Atterré, tremblant, Henri repassait encore en son âme ces cruelles paroles, lorsque Saint-Preuil vint le prévenir que la lettre de la comtesse était prête.

Le jeune marin laissa alors tomber sur celle qu’il allait quitter, peut-être pour toujours, un regard mouillé de larmes. La pâleur de mademoiselle Fouquet répondait assez de ses efforts, mais elle était douée de ce courage que donnent le malheur et la souffrance. Henri serra la main de Saint-Preuil avec une émotion telle que son compagnon crut devoir l’interroger.

— Tout ce que je demande, dit-il à Saint-Preuil en s’acheminant vers le faubourg Saint-Antoine, c’est que l’on m’enferme avec mon père à la Bastille.


IX

LE BOUQUET.


À peine Henri venait-il de s’éloigner, que mademoiselle Fouquet se mit à pleurer abondamment.

En interrogeant son cœur, elle y trouvait pour ce jeune homme une grande pitié, mais en comparant son malheur au sien, elle se voyait si triste et si délaissée qu’elle eût échangé son sort contre celui du fils de Leclerc.

— Votre père existe, lui avait-elle dit, et le mien a succombé !

Et elle se représentait alors les mille accusations injustes, tortueuses, qui avaient empoisonné la vie du surintendant.

Pelisson n’avait pu le sauver, et les paroles de Louis XIV