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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

nées de leur collier, son sein battait avec force, son désordre l’embellissait.

Le comte sentait peu à peu s’attendrir en lui ce cœur de marbre, contre lequel étaient déjà venus se briser tant de soupirs ; il allait céder ; il songea que Riom était là sous le rideau. — Un pareil aveu me perdrait, pensa le comte. Que dirait-on de moi à Versailles, où l’on rit déjà à mes dépens ? Au diable ce Leclerc, à qui j’ai fait trop d’honneur, après tout ! ne songeons qu’à sa belle ambassadrice. Lauzun, Lauzun, il faut ici appeler à ton aide toutes les puissances de ton imagination… Si je lui montrais son propre portrait crayonné par moi à Pignerol, quand elle passait dans les cours, ce portrait au-dessous duquel j’ai mis des vers ! Ce diable de Riom va peut-être me trouver sentimental : n’importe, essayons ; je vais…

Lauzun n’en put dire plus en allant vers l’un des tiroirs d’un magnifique guéridon de porcelaine, où il comptait trouver ce portrait, un nuage étrange passa sur ses yeux il chancela.

— Que veut dire ceci ? pensa le comte en ouvrant la cassolette que formait à l’un des angles de son boudoir un trépied doré, serait-ce cette pastille que j’ai brûlée ce matin

? Quelle singulière odeur ! Ai-je donc le vertige ? Oui, tout tourne autour de moi, continua-t-il.

Mademoiselle Fouquet semblait éprouver elle-même un alanguissement subit ; elle avait ployé son col de cygne, et passait de temps à autre sa main sur ses tempes.

— Souffrez-vous, ma belle enfant ? demanda le comte en cherchant, par un mouvement rapide, à l’enlacer de ses bras.

Elle se dégagea faiblement de son étreinte.

— Savez-vous, murmura Lauzun à son oreille, que le roi lui-même m’envierait en ce moment. Une femme jeune, belle, presque assoupie, que le tiens en ma puissance ! Vous avez raison de sécher vos larmes, je suis à vos pieds, je vous aime !