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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

tive, es-tu bien sûr de ce que tu vois, et n’as-tu point la berlue ?

— Je vous dis, mon oncle, que c’est là un carrosse bleu, répondit Riom en indiquant à Lauzun un point vague à l’horizon.

— Et moi, Riom, je dis que tu te trompes.

— Gageons !

— Je ne gage pas, je n’ai plus mes yeux de vingt ans.

— Vous aviez raison, c’est une simple charrette. À propos, irez-vous chez la Montespan ? On doit y arranger les présentations pour le jour de la Saint-Louis.

— Va-t’en au diable ! tu sais bien que la marquise est mon ennemie la plus dévouée…

— Mais je sais aussi qu’elle vous regrette toujours. « Ce cher comte, disait-elle l’autre jour à Seignelay, nous sommes comme Annibal et le poison, nous ne pouvons nous tuer ! »

— Elle a dit cela ?

— Et bien d’autres choses encore. Mais comme vous touchez, mon oncle, au moment d’être heureux, je ne veux pas vous en dire davantage.

— Continue.

— Donc la marquise espère vous voir à la Saint-Louis à Versailles. « Il me fera danser, a-t-elle dit, j’en suis bien sûre. »

— Compte sur cela, vieille folle !

— « Vous aussi, Riom, a-t-elle eu la bonté de me dire, vous mettrez pour ce jour-là un habit des plus galants. Votre oncle vous le payera. »

— C’est ingénieux.

— C’est juste, c’est de toute nécessité ! D’abord, mon cher oncle, j’ai ma liste sur moi, et si vous en voulez le détail ?…

— Laisse-moi tranquille, tu dois à Dieu et au diable !

— Deux créanciers inconnus à moi, cher oncle, je n’ai que Prud’homme, votre baigneur, et celui de la Feuillade…