Page:Beauvoir - Les mystères de l’île Saint-Louis, tome2.djvu/241

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
234
LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

Il distinguait déjà de plus près la couleur de la voiture…

Il pensait à l’admirable jeune fille qu’elle contenait, à Brancas le rêveur, à madame de Pontchartrain…

Il allait enfin reconquérir sa souveraineté sur l’opinion, sur la mode, tout cela par une audace calculée, mathématique.

— Riom ! s’écria-t-il ivre de joie, voici l’heure de l’assaut !

— Ah çà, mon oncle, disposons nos batteries. Je ne suis point jaloux de jouer ici le rôle de Bussy près madame de Miramon ; à vous l’honneur de l’attaque.

— Poltron !

— Écoutez donc, mademoiselle de Retz est aussi belle, pour le moins, que le fut mademoiselle du Lude. Son enlèvement fera à Paris un bruit d’enfer.

— Et c’est ce que je veux. Sans cela, je pars, je m’exile dès demain, je vais à l’armée.

— Mais s’il y a mort d’homme ?

— Je sais viser juste, je ne tuerai qu’un cheval.

— Pour un cheval, passe. Mais si, à son tour, M. de Brancas, dans sa distraction, nous prenait aussi pour des chevaux !… Enfin, je me risque.

— C’est heureux !

Le postillon du comte courait à bride abattue ; son pourboire était triplé. À quelques pas de la voiture bleue, il ralentit ses chevaux ; Lauzun distingua les armoiries du carrosse, c’était bien celui de mademoiselle… de Retz. Les mantelets de cette voiture étaient tous baissés. Le comte prit ses pistolets.

— Pas de résistance, cria Lauzun, rendez-vous de bonne grâce !

Pour toute réponse, le postillon du carrosse bleu lança ses chevaux à triple train.

Celui du comte ne se laissa pas gagner de vitesse, il fit si bien que les deux voitures se touchèrent.

— Si vous n’arrêtez, je fais feu ! cria le comte.

En dépit de cette injonction menaçante, le postillon de