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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

deux se demandant ce que pouvaient contenir ces papiers intéressants remis par Lauzun.

— Bast ! se dit Roquelaure, le prince de Monaco ne peut savoir si j’ouvre ici les lettres de sa femme.

— Ce pauvre Roquelaure ! murmura à part lui le prince de Monaco, il ignore sans doute que je tiens là les lettres de la maréchale.

Une curiosité maligne les portant tous deux à rompre le cachet de ces dépêches, ils s’enfoncèrent dans le bois pendant que M. d’Alluye, légèrement blessé, donnait des ordres à ses gens pour son carrosse.

Quelques secondes s’étaient à peine écoulées, que le prince de Monaco et le duc de Roquelaure revenaient chacun d’un air furieux.

Tous deux, les lèvres pales, contractées par la colère, essayèrent, en se rencontrant, un sourire qui avorta.

— C’est une indignité ! dit tout bas le prince de Monaco à Roquelaure.

— C’est une infamie ! répondit sur le même ton Roquelaure au prince de Monaco.

— Maréchal, continua le prince en regardant fixement Roquelaure, savez-vous bien que M. de Lauzun joue là un jeu à le faire remettre à la Bastille ?

— À se faire tuer par moi sans pitié, reprit Roquelaure. Je vous donne en cent à deviner le dépôt…

— Moi en mille. C’est un serpent !

— Il paraît que vous voilà comme moi, il vous a donc remis…

— Eh parbleu ! reprit Roquelaure, il m’a remis les lettres de ma femme ! Elles étaient sous votre adresse.

— C’est comme moi, les lettres de la mienne qui se trouvaient sous la votre ! Il nous a joués, répéta le prince de Monaco en frappant du pied. Oh ! mais je me vengerai !

— Nous nous vengerons de concert, reprit Roquelaure.

— Vous me le jurez ?

— Je vous le jure.