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LES MYSTÈRES DE L’ILE SAINT-LOUIS

— Une action sublime, admirable, madame la maréchale, reprit le comte avec feu ; il ne vous la dira pas, mais moi je la sais, je l’ai vue, je la proclame ! Oui, de Guiche, Grammont ni moi n’en ferions jamais une pareille ! M. de Roquelaure s’est battu, battu pour trois femmes, entendez-vous ?

— Pour trois femmes ! qu’entends-je ! s’écria la maréchale.

— Rassurez-vous, madame la maréchale, vous en êtes… Je n’en veux pour preuve que les trophées que M. de Roquelaure porte là sur sa poitrine. Écartez un peu ce brillant pourpoint, madame la princesse, vous y trouverez vos lettres nouées d’un ruban de satin bleu ; les vôtres, maréchale, ont, je crois, pour scel un ruban vert. Quant à vous, madame la marquise, vous reconnaîtrez votre carnet, un carnet perdu ou volé ; mais que vous n’en devez pas moins à l’exquise sollicitude de M. de Roquelaure !

Le signal de l’assaut une fois donné, le malheureux maréchal se vit investi par six mains alertes, six mains féminines, qui firent prestement sauter les boutons de son justaucorps. Grammont et de Guiche se tenaient les côtes de rire, car Lauzun leur avait fait part de sa moquerie, et Roquelaure, ainsi affublé des plumes du paon, les divertissait.

La maréchale de Roquelaure était la plus forte en ce beau siège, pendant lequel son mari se démenait ni plus ni moins qu’un diable dans un bénitier. Roquelaure était avare, et la seule crainte de voir mettre en pièces son habit brodé le retint.

Toutefois, le maréchal n’était pas homme à laisser échapper l’occasion des représailles.

Quand madame d’Alluye eut reconquis le carnet du comte, il sourit et résolut de profiter du moins des apparences du triomphe.

— Madame la marquise me récompensera-t-elle bientôt ?