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DES DÉLITS ET DES PEINES.

gement des besoins de la nature, et contribue, par l’odeur infecte qu’il exhale, à rendre ce séjour insupportable.

» À toutes les heures du jour et de la nuit, on est réveillé par la bruyante vigilance d’un guichetier, qui, privé de toute sensibilité, ne respecte ni repos, ni douleur, agite avec fracas ses clés et ses verrous, et semble prendre plaisir à venir contempler vos souffrances.

» Du pain, souvent en petite quantité, est toute la nourriture de ce malheureux ; et il n’est pas rare que, dans certaines occasions, on oublie à dessein de la lui donner, afin de diminuer ses forces. On ne lui laisse ni couteau, ni instrument quelconque ; et c’est le guichetier qui prend le soin de diviser ses alimens.

» De temps en temps on le sort de cet horrible lieu, pour le conduire devant un juge interrogateur ; mais ses souvenirs sont confus, il se soutient à peine ; et après plusieurs interrogatoires, c’est un miracle si l’incohérence de ses réponses ne forme pas des contradictions, dont on fait ensuite contre lui autant de nouveaux chefs d’accusation.

» Rentré dans la prison, et s’il n’a pas rempli l’attente du juge, le concierge a ordre de redoubler de rigueurs. Ainsi, quelquefois, lorsque l’horreur de la solitude n’a rien pu sur une âme fortement trempée, on substitue à ce traitement un