Page:Beccaria - Des délits et des peines, traduction CY, Brière, 1822.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
117
CHAPITRE XVI.

C’est seulement par une bonne éducation que l’on apprend à développer et à diriger les sentimens de son propre cœur. Mais, quoique les scélérats ne puissent se rendre compte à eux-mêmes de leurs principes, ils n’en agissent pas moins d’après un certain raisonnement. Or, voici à peu près comment raisonne un assassin ou un voleur, qui n’est détourné du crime que par la crainte de la potence ou de la roue :

« Quelles sont donc ces lois que je dois respecter, et qui laissent un si grand intervalle entre le riche et moi ? L’homme opulent me refuse avec dureté la légère aumône que je lui demande, et me renvoie au travail, qu’il n’a jamais connu. Qui les a faites ces lois ? Des hommes riches et puissans, qui n’ont jamais daigné visiter la misérable chaumière du pauvre, qui ne l’ont point vu distribuer un pain grossier à ses enfans affamés, et à leur mère éplorée. Rompons des conventions, avantageuses seulement à quelques lâches tyrans, mais funestes au plus grand nombre. Attaquons l’injustice dans sa source. Oui, je retournerai à mon état d’indépendance naturelle, je vivrai libre, je goûterai quelque temps les fruits heureux de