Page:Beccaria - Des délits et des peines, traduction CY, Brière, 1822.djvu/166

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
138
DES DÉLITS ET DES PEINES.

quoi donc faire du travail le châtiment d’un criminel. La nature nous a destinés à mourir, mais non à mourir de mort violente. La mort qu’elle nous apporte est douce, celle que la loi inflige est cruelle. La nature nous sépare doucement de la vie par la vieillesse ; par la maladie, elle nous détache de tout objet d’affection. Le glaive de la loi pénale arrache l’existence. Il l’arrache au milieu de ses jouissances. La nature nous endort ; le glaive de la loi tue en déchirant.

Lepelletier a été, je crois, jusqu’à dire que la loi ne devait pas faire horreur de la mort au citoyen, parce que la patrie avait besoin qu’il la vît avec mépris… Ce serait un grand malheur pour un état, que les citoyens méprisassent la vie : qui méprise la vie n’a point de patrie, n’a point de famille. Ce serait une triste république qu’une république de béats qui auraient mis tout leur bonheur dans la contemplation d’une autre vie, et s’entretiendraient dans la haine de celle-ci. De quel sacrifice seraient-ils capables pour une existence qui serait sans prix ? Où serait le levier avec lequel on ferait mouvoir de tels hommes, ou plutôt de telles machines ?

La société a besoin, il est vrai, que le citoyen soit prêt au sacrifice de sa vie, quand l’intérêt de l’état le demande : cela veut dire qu’il doit tellement aimer l’état, que la vie lui soit insupportable, s’il n’a fait tout ce qu’il pouvait faire pour lui. Cela