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DES DÉLITS ET DES PEINES.

toutes les déclamations des moralistes, toujours impuissans contre la force de l’exemple.

Déclarer infâmes des actions indifférentes en elles-mêmes, c’est diminuer l’infamie de celles qui méritent effectivement d’en être notées.

Il faut bien se garder de punir de peines corporelles et douloureuses certains délits fondés sur l’orgueil, et qui se font gloire des châtimens. Tel est le fanatisme, que l’on ne peut comprimer que par le ridicule et la honte.

Si l’on humilie l’orgueilleuse vanité des fanatiques, devant une grande foule de spectateurs, on doit attendre d’heureux effets de cette peine, puisque la vérité même a besoin des plus grands efforts pour se défendre, lorsqu’elle est attaquée par l’arme du ridicule.

En opposant ainsi la force à la force et l’opinion à l’opinion, un législateur éclairé dissipe dans l’esprit du peuple l’admiration que lui cause un faux principe dont on lui a caché l’absurdité par des raisonnemens spécieux.

Les peines infamantes doivent être rares, parce que l’emploi trop fréquent du pouvoir de l’opinion affaiblit la force de l’opinion même. L’infamie ne doit pas tomber non plus