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CHAPITRE XXXV.

L’émigrant, qui emporte tout ce qu’il possède, ne laisse rien sur quoi les lois puissent faire tomber la peine dont elles le menacent. Son délit ne peut plus se punir, aussitôt qu’il est commis ; et lui infliger un châtiment avant qu’il soit consommé, c’est punir l’intention et non le fait, c’est exercer un pouvoir tyrannique sur la pensée, toujours libre et toujours indépendante des lois humaines.

Essaiera-t-on de punir le fugitif, par la confiscation des biens qu’il laisse ? Mais la collusion, que l’on ne peut empêcher pour peu que l’on respecte les contrats des citoyens entre eux, rendrait ce moyen illusoire. D’ailleurs, une pareille loi détruirait tout commerce entre les nations ; et si l’on punissait l’émigré, en cas qu’il rentrât dans son pays, ce serait l’empêcher de réparer le dommage qu’il a fait à la société, et bannir pour jamais celui qui se serait une fois éloigné de sa patrie.

Enfin, la défense de sortir d’un pays ne fait qu’augmenter, dans celui qui l’habite, le désir de le quitter, tandis qu’elle détourne les étrangers de s’y établir. Que doit-on penser d’un gouvernement qui n’a d’autre moyen que la crainte, pour retenir les hommes dans