Page:Beccaria - Des délits et des peines, traduction CY, Brière, 1822.djvu/291

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

plongés. Toute leur vie est entourée d’incertitudes ; et puisque les délits ne sont pas déterminés par les lois, ils ne savent pas quelles seront les suites de leurs crimes : ce qui prête une nouvelle force à la passion qui les y pousse.

Chez un peuple que le climat rend indolent, l’incertitude des lois entretient et augmente l’inaction et la stupidité.

Chez une nation voluptueuse, mais agissante, des lois incertaines font que l’activité des citoyens ne s’occupe que de petites cabales et d’intrigues sourdes, qui sèment la défiance. Alors l’homme le plus prudent est celui qui sait le mieux dissimuler et trahir.

Chez un peuple fort et courageux, l’incertitude des lois est forcée à la fin de faire place à une législation précise ; mais ce n’est qu’après des révolutions fréquentes, qui ont conduit ce peuple, tour à tour, de la liberté à l’esclavage, et de l’esclavage à la liberté.

Voulez-vous prévenir les crimes ? Que la liberté marche accompagnée des lumières. Si les sciences produisent quelques maux, c’est lorsqu’elles sont peu répandues[1] ; mais à

  1. Cette assertion n’est pas plus vraie que celle de J.-J. Rousseau. Que les sciences soient plus ou moins