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Page:Beccaria - Des délits et des peines, traduction CY, Brière, 1822.djvu/346

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certain qu’ils la méritent. Quoi ! j’ignore encore si tu es coupable, et il faudra que je te tourmente pour m’éclairer ; et si tu es innocent, je n’expierai point envers toi ces mille morts que je t’ai fait souffrir, au lieu d’une seule que je te préparais ! Chacun frissonne à cette idée. Je ne dirai point ici que saint Augustin s’élève contre la question dans sa Cité de Dieu. Je ne dirai point qu’à Rome on ne la faisait souffrir qu’aux esclaves, et que cependant Quintilien, se souvenant que les esclaves sont hommes, réprouve cette barbarie.

Quand il n’y aurait qu’une nation sur la terre qui eût aboli l’usage de la torture, s’il n’y a pas plus de crimes chez cette nation que chez une autre ; si d’ailleurs elle est plus éclairée, plus florissante depuis cette abolition, son exemple suffit au reste du monde entier. Que l’Angleterre seule instruise les autres peuples ; mais elle n’est pas la seule ; la torture est proscrite dans d’autres royaumes, et avec succès. Tout est donc décidé. Des peuples qui se piquent d’être polis, ne se piqueront-ils pas d’être humains ? S’obstineront-ils dans une pratique inhumaine, sur le seul prétexte qu’elle est d’usage ? Réservez au