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Page:Beccaria - Des délits et des peines, traduction CY, Brière, 1822.djvu/348

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Comté, au commencement du dix-septième siècle.

Les archives d’un petit coin de pays appelé Saint-Claude, dans les plus affreux rochers de la comté de Bourgogne, conservent la sentence et le procès-verbal d’exécution d’un pauvre gentilhomme nommé Claude Guillon, auquel on trancha la tête le 28 juillet 1629. Il était réduit à la misère, et pressé d’une faim dévorante ; il mangea, un jour maigre, un morceau d’un cheval qu’on avait tué dans un pré voisin. Voilà son crime. Il fut condamné comme un sacrilége. S’il eût été riche et qu’il se fût fait servir à souper pour deux cents écus de marée, en laissant mourir de faim les pauvres, il aurait été regardé comme un homme qui remplissait tous ses devoirs. Voici le prononcé de la sentence du juge :

« Nous, après avoir vu toutes les pièces du procès et ouï l’avis des docteurs en droit, déclarons ledit Claude Guillon duement atteint et convaincu d’avoir emporté de la viande d’un cheval tué dans le pré de cette ville ; d’avoir fait cuire ladite viande le 31 mars, jour de samedi, et d’en avoir mangé, etc. »

Quels docteurs que ces docteurs en droit,