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CHAPITRE II

Immédiatement les sens, et qui se fixent dans les esprits, pour balancer par des impressions vives la force des passions particulières, presque toujours opposées au bien général. Tout autre moyen serait insuffisant. Quand les passions sont vivement ébranlées par les objets présens, les plus sages discours, l’éloquence la plus entraînante, les vérités les plus sublimes, ne sont pour elles qu’un frein impuissant qu’elles ont bientôt brisé.

C’est donc la nécessité seule qui a contraint les hommes à céder une partie de leur liberté ; d’où il suit que chacun n’en a voulu mettre dans le dépôt commun que la plus petite portion possible, c’est-à-dire, précisément ce qu’il en fallait pour engager les autres à le maintenir dans la possession du reste.

L’assemblage de toutes ces petites portions de liberté est le fondement du droit de punir. Tout exercice du pouvoir qui s’écarte de cette base est abus et non justice ; c’est un pouvoir de fait et non de droit[1] ; c’est une usurpation, et non plus un pouvoir légitime.

  1. On observera que le mot droit n’est pas contradictoire au mot force. Le droit est la force soumise à des lois, pour l’avantage du plus grand nombre. Par justice, j’entends les liens qui réunissent d’une manière