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CHAPITRE V

nus innocens, recevoir de la vénération du peuple les premières charges de l’état. Pourquoi, de nos jours, le sort d’un innocent emprisonné est-il si différent ?

Parce que le système actuel de la jurisprudence criminelle présente à nos esprits l’idée de la force et de la puissance, avant celle de la justice ; parce qu’on jette indistinctement, dans le même cachot, l’innocent soupçonné et le criminel convaincu ; parce que la prison, parmi nous, est plutôt un supplice qu’un moyen de s’assurer d’un accusé ; parce qu’enfin, les forces qui défendent au-dehors le trône et les droits de la nation, sont séparées de celles qui maintiennent les lois dans l’intérieur, tandis qu’elles devraient être étroitement unies.

Dans l’opinion publique, les prisons militaires déshonorent bien moins que les prisons civiles. Si les troupes de l’état, rassemblées sous l’autorité des lois communes, sans pourtant dépendre immédiatement des magistrats, étaient chargées de la garde des prisons, la tache d’infamie disparaîtrait devant l’appareil et le faste qui accompagnent les corps militaires ; parce qu’en général l’infamie, comme