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SUPP. AU CHAP. VII.

Tout homme assez lâche pour accepter une mission qui le mettra dans le cas de punir des actions qui ne sont réputées crimes que parce qu’elles déplaisent à un despote ou à une faction, fait le sacrifice de son honneur ; et dès ce jour, il est acquis à l’injustice.

» Il n’est que trop vrai que, lorsque les princes ou les factions veulent des assassins, ils en trouvent…, comme ils trouvent des juges lorsqu’on a besoin d’environner de certaines formes les vengeances qu’on a dessein d’exercer.

» C’est une règle aussi, que lorsque les princes ou les factions veulent des supplices, ils créent des commissions spéciales, ils nomment pour juges des bourreaux, et ils ont la certitude que tout homme, que tout magistrat qui acceptera ce lâche mandat, s’en rendra digne, et qu’il méritera son salaire.

» Mais un despote se sert des juges d’exception comme de vils instrumens, qu’il brise dès l’instant où il cesse d’en avoir besoin. L’iniquité de leurs jugemens a révolté les esprits ; et si le prince conserve quelque sentiment de pudeur, il ne peut désormais s’excuser qu’en rejetant sur eux ses propres excès.

» Si quelques-uns de ces juges d’iniquité ont échappé à la juste vengeance qui les poursuivait, considérez leur existence ignominieuse ; voyez-les, repoussés, méprisés ; interrogez votre cœur, et demandez-vous si leur supplice ne vous effraie pas !