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CHAPITRE VIII.

On doit accorder aux témoins une confiance d’autant plus circonspecte, que les crimes sont plus atroces, et les circonstances de ces crimes plus invraisemblables[1]. Telles sont,

    ce moyen, quelques crimes échappent à la vengeance des tribunaux humains, parce qu’il n’y a qu’un seul témoin, cet inconvénient est moindre cependant que celui auquel on serait exposé, si les biens et la vie de chacun dépendaient de l’habileté à mentir et de l’effronterie d’un scélérat. » (Pufendorf, Droit de la nature et des gens, liv. V.)

  1. Chez les criminalistes, au contraire, la confiance que mérite un témoin augmente en proportion de l’atrocité du crime. Ils s’appuient sur cet axiome de fer, dicté par la plus cruelle imbécillité : In atrocissimis, leviores conjecturæ sufficiunt, et licet judici jura transgredi. Traduisons cette maxime affreuse, et que l’Europe connaisse au moins un de ces principes révoltans et si nombreux, auxquels elle est soumise presque sans le savoir : « Dans les délits les plus atroces, c’est-à-dire, les moins probables, les plus légères circonstances suffisent, et le juge peut se mettre au-dessus des lois. » Les absurdités en usage dans la législation sont souvent l’ouvrage de la crainte, source inépuisable des inconséquences et des erreurs humaines. Les législateurs, ou plutôt les jurisconsultes, dont les opinions sont considérées après leur mort comme des espèces d’oracles, et qui, d’écrivains vendus à l’intérêt, sont devenus les arbitres souverains du sort des hommes, les législateurs,