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DES DÉLITS ET DES PEINES.

de l’intérêt de tous de punir publiquement ? Je respecte tous les gouvernemens ; je ne parle d’aucun en particulier, et je sais qu’il est des circonstances où les abus semblent tellement inhérens à la constitution d’un état, qu’il ne paraît pas possible de les déraciner sans détruire le corps politique. Mais si j’avais à dicter de nouvelles lois dans quelque coin isolé de l’univers, ma main tremblante se refuserait à autoriser les accusations secrètes : je croirais voir toute la postérité me reprocher les maux affreux qu’elles entraînent[1].

Montesquieu l’a déjà dit : Les accusations publiques sont conformes à l’esprit du gouvernement républicain, où le zèle du bien général doit être la première passion des citoyens. Dans les monarchies, où l’amour de la patrie est très-faible, par la nature même du gouvernement, c’est un établissement sage, que

  1. « S’il importe aux sociétés que les délits ne restent pas impunis, il importe bien plus encore que des innocens ne soient pas livrés à des supplices cruels, et qu’on ne fasse pas des exemples en la personne de ceux qui ne sont exposés à l’animadversion publique que parce qu’on admet contre eux les horreurs de la calomnie. » (Heineccius, cité dans les Observations de Paul Rizzi, sur la procédure criminelle.)