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Page:Beccaria - Traité des délits et des peines, trad Morellet, 1766.djvu/31

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res extrémités, & laſſés de ſouffrir, qu’ils ſe déterminent à remédier aux maux dont ils ſont accablés. Ce n’eſt qu’après avoir paſſé par mille erreurs funeſtes à leur vie & à leur liberté, qu’ils ouvrent les yeux à des vérités palpables, qui par leur ſimplicité même échappent aux eſprits vulgaire, incapables d’analyſer les objet, & accoutumés à ne recevoir que des impressions vagues & confuſes ſur parole & ſans examen.

Ouvrons l’histoire, nous verrons que les loix qui devoient être des conventions entre les hommes libres, n’ont été le plus ſouvent que l’inſtrument des paſſions d’un petit nombre ; ou l’effet d’un beſoin fortuit & paſſager, jamais l’ouvrage d’un examinateur impartial de la nature humaine, qui ait sû rapporter à un centre commun les actions d’une multitude d’hommes, & les diriger à cet unique but, la plus grande félicité du plus grand nombre. Heureuſes les nations qui n’ont point attendu que la ſucceſſion lente des combinaiſons & des viciſſitudes humaines fit de l’èxces du mal un acheminement au bien ; mais qui, par de ſages loix, ont hâté le paſſage de l’un à l’autre. Quelle reconnoiſſance ne mérite pas du genre humain le Philosophe qui, du fond d’un cabinet obſcur & dédaigné, a eu le courage de jetter parmi la multitude les premieres ſemences long-tems infructueuſes des vérités utiles ?