Page:Beccaria - Traité des délits et des peines, trad Morellet, 1766.djvu/92

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exemple d’un homme privé de sa liberté, & devenu un animal de service, pour réparer par les travaux de toute sa vie, le dommage qu’il a fait à la Société.

Ce retour fréquent du spectateur sur lui-même, si je commettais un crime je serais réduit toute ma vie à cette malheureuse condition, fait une bien plus forte impression que l’idée de la mort que les hommes voient toujours dans un lointain obscur.

La terreur que cause l’idée de la mort, a beau être forte, elle ne résiste pas à l’oubli si naturel à l’homme, même dans les choses les plus essentielles, surtout lorsque cet oubli est appuyé par les passions. Règle générale. Les impressions violentes surprennent & frappent, mais leur effet ne dure pas. Elles sont capables de produire ces révolutions qui font tout-à-coup d’un homme vulgaire un Lacédémonien, ou un Romain ; mais dans un Gouvernement tranquille & libre elles doivent être plus fréquentes que fortes.

La peine de mort infligée à un criminel n’est pour la plus grande partie des hommes qu’un spectacle, ou un objet de compassion ou d’indignation. Ces deux sentiments occupent l’âme des spectateurs bien plus que la terreur salutaire que la loi prétend inspirer. Mais pour celui qui est témoin d’une peine continuelle & modérée, le sentiment de