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CONTE ARABE

Sur le soir, comme cette princesse s’entretenoit avec Dilara qu’elle avoit fait venir & qui étoit fort de son goût, Bababalouk vint lui dire que le ciel paroissoit fort embrasé du côté de Samarah, & sembloit annoncer quelque chose de funeste. Sur le champ, elle pris ses astrolabes65 & ses instrumens magiques, mesura la hauteur des planètes, fit ses calculs, & vit, à son grand déplaisir, qu’il y avoit une révolte formidable à Samarah ; que Motavekel profitant de l’horreur qu’inspiroit son frère, avoit soulevé le peuple, s’étoit emparé du palais, & faisoit le siége de la grande tour, où Morakanabad s’étoit retiré avec un petit nombre de ceux qui restoient encore fidèles. Quoi ! s’écria-t-elle, je perdrois ma tour, mes muets, mes négresses, mes momies, & sur-tout mon cabinet d’expériences qui m’a coûté tant de veilles, & cela sans savoir si mon étourdi de fils viendra à bout de son aventure ! Non, je n’en serai pas la dupe ; je pars dans l’instant pour secourir Morakanabad par mon art redoutable, & faire pleuvoir sur les conspirateurs, des clous & des ferrailles ardentes ; j’ouvrirai mes magasins de serpens & de torpèdes, qui sont sous les grandes voûtes de la tour & que la faim a rendu enragés, & nous verrons si l’on tiendra contre de