Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
VATHEK,

répondit avec indignation ; il n’a que trop mérité d’être laissé à lui-même ; toutefois, je consens que vous fassiez encore un effort pour le détourner de son entreprise.

Soudain un bon Génie prit la figure d’un berger, plus renommé pour sa piété, que tous les derviches & les santons du pays ; il se plaça sur la pente d’une petite colline auprès d’un troupeau de brebis blanches, & commença à jouer sur un instrument inconnu, des airs dont la touchante mélodie pénétroit l’ame, réveilloit les remords, & chassoit toute pensée frivole. À des sons si énergiques, le soleil se couvrit d’un sombre nuage, & les eaux d’un petit lac plus claires que le crystal, devinrent rouges comme du sang. Tous ceux qui composoient le pompeux cortège du Calife furent attirés, comme malgré eux, du côté de la colline ; tous baissèrent les yeux, & restèrent consternés ; chacun se reprochoit le mal qu’il avoit fait : le cœur battoit à Dilara ; & le chef des eunuques, d’un air contrit, demandoit pardon aux femmes de ce qu’il les avoit souvent tourmentées pour sa propre satisfaction.

Vathek & Nouronihar pâlissoient dans leur litière, & se regardant d’un œil hagard, le reprochoient à eux-mêmes, l’un, mille crimes des