Page:Beckford - Vathek 1787 Paris.djvu/173

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Vathek ne voyoit plus dans ceux de Nouronihar que rage & que vengeance ; elle ne voyoit plus dans les siens qu’aversion & désespoir. Les deux Princes amis, qui, jusqu’à ce moment, s’étoient tenus tendrement embrassés, s’éloignèrent l’un de l’autre en frémissant. Kalilah & sa sœur se firent mutuellement un geste d’imprécation. Les deux autres Princes témoignèrent par des contorsions effroyables & des cris étouffés, l’horreur qu’ils avoient d’eux-mêmes. Tous se plongèrent dans la foule maudite pour y errer dans une éternité de peines.

Tel fut, & tel doit être le châtiment des passions effrénées, & des actions atroces ; telle sera la punition de la curiosité aveugle, qui veut pénétrer au-delà des bornes que le Créateur a mises aux connoissances humaines ; de l’ambition, qui, voulant acquérir des sciences réservées à de plus pures Intelligences, n’acquiert qu’un orgueil insensé, & ne voit pas que l’état de l’homme est d’être humble & ignorant.

Ainsi le Calife Vathek, qui, pour parvenir à une pompe vaine, & à une puissance défendue, s’étoit noirci de mille crimes, se vit en proie à des remords, & à une douleur sans fin & sans