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CONTE ARABE.

on le tira enfin de dessous le monceau de linge à demi étouffé, & trempé jusqu’aux os. Le Calife l’avoit fait chercher par-tout, & il se présenta devant son maître en boitant & en claquant des dents. Vathek s’écria en le voyant dans cet état ; Qu’as-tu donc ? Qui est-ce qui t’a mis à la marinade ? Et vous-même, qui vous a fait entrer dans ce maudit gîte, demanda Bababalouk à son tour ? Est-ce qu’un Monarque, tel que vous, doit venir se fourrer avec son harem, chez un barbon d’Emir qui ne fait pas vivre ? Les gracieuses demoiselles qu’il tient ici ! Imaginez-vous qu’elles m’ont trempé comme une croûte de pain, & m’ont fait danser toute la nuit sur leur maudite escarpolette comme un saltimbanque. Voilà un bel exemple pour vos sultanes, à qui j’avois inspiré tant de bienséance !

Vathek, ne comprenant rien à ce discours, se fit expliquer toute l’histoire. Mais au lieu de plaindre le pauvre hère, il se mit à rire de toute sa force, de la figure qu’il devoit faire sur l’escarpolette. Bababalouk en fut outré, & peu s’en fallût qu’il ne perdit tout respect. Riez, riez, Seigneur, disoit-il ; je voudrois que cette Nouronihar vous jouât aussi quelque tour ; elle est assez méchante pour ne pas vous épargner vous-même.